C'est le 15 avril dernier que nous débarquions en Espagne, à Tarifa, en provenance de Tanger. À la fois tristes de quitter le Maroc et excités de commencer un nouveau chapitre, la beauté de la traversée vers l'Espagne a su adoucir la dualité qui nous animait tous. De nous cinq, maman (je le nomme tel que nos filles l'auraient fait!) était la plus excitée durant la traversée: l'idée de voir la confluence entre l'océan Atlantique et la mer Méditerranée était (et demeure toujours) énorme! Les reliefs des deux continents ont également contribué à nous en mettre plein la vue et nous offrir un aperçu différent du si beau pays que nous venions de découvrir! Voici donc en quelques rubriques, la synthèse d'une partie de notre parcours en Espagne.
On contemple ce qui nous attend demain depuis les hauteurs de Tanger, on joue une dernière fois sur ses longues plages et c'est parti pour une nouvelle aventure sur un nouveau continent !
Étape 1 : Traversée de Tanger à Tarifa
Passer du continent Africain à l'Europe en traversier peut se faire depuis plusieurs ports. Dans notre cas, le port d'arrivée souhaité était celui de Tarifa, ville la plus méridionale du continent européen. Le départ devait ainsi se faire depuis le port Tanger Ville et non le port plus commercial de Tanger Méditerranée. Ce fût un bon choix, et ce à plusieurs égards: proximité avec les hébergements potentiels à Tanger, entrée facile au port depuis la ville (pas de zone industrielle portuaire à traverser), aire d'attente pour les piétons/cyclistes et motocyclistes, et finalement facilité à passer les douanes. Tout s'est fait en douceur, de la petite randonnée à vélo pour se rendre au port jusqu'à la fin de la traversée. En prenant le traversier à 12h, nous étions à Tarifa à 13h, juste à temps pour prendre possession de notre appartement, faire quelques courses, et profiter de l'après-midi pour se régaler d'une crème glacée et aller à la découverte des environs.
Tarifa s'est avérée être notre second bon choix de ce deuxième chapitre de l'aventure. Nous ne le savions pas, mais nous venions de débarquer dans une ville paisible et ensoleillée vivant au rythme des vagues car Tarifa est en fait un haut lieu du windsurf. Nous avons été émerveillés par la douceur de l'ambiance, et surtout les familles qui profitaient de la plage à la sortie de l'école et du travail, on s'est vite sentis à notre place! La plage a remplacé ce que le parc représente pour nous à la fin de la journée: les amis, les jeux libres des enfants au grand air, un doux moment de détente avant de rentrer souper. Tarifa a donc été une transition douce entre deux étapes importantes.
Étape 2 : Tarifa à Algéciras
Après deux nuits de repos à Tarifa, nous avons quitté ce petit havre de paix et pris la route en direction d'Algéciras. Notre objectif était de nous rendre à Gibraltar, or lors de la préparation de notre itinéraire, nous avons choisi de découper cette progression en deux étapes. Troisième bon choix de notre épopée en Espagne! Non pas à cause de la beauté d'Algéciras qui est plutôt une ville connue pour l'activité industrielle tournant autour de son port, mais plutôt étant donné les dénivelés que nous avons dû affronter dès notre sortie de Tarifa. Des pentes allant de 6 à 10 %, et ce sur plusieurs kilomètres. La pause de midi, au bout de 7 kilomètres d'ascension a été bien méritée et la vue du haut de notre perchoir (Mirador del Estrecho) a été notre récompense.
Notre "petit" encas du midi, une création maison qui a ravie toute la famille: un méga-sandwich composé des meilleurs ingrédients disponibles. Un repas partagé en bonne compagnie biscornue !
Pour la petite anecdote, à notre arrivée à Algéciras, une petite erreur d'aiguillage nous a emmené dans le vieux centre que nous avons pu ainsi découvrir. En nous engageant dans une petite rue pleine de charme, un homme est venu à notre rencontre nous demandant si nous avions besoin d'aide et si nous cherchions un hébergement. Il s'agissait en fait du maire de la ville, de garde dans la clinique médicale publique où il travaille, venu nous saluer en nous laissant son numéro de téléphone pour le contacter en cas de problème. Il nous a même laissé un petit souvenir de sa ville! Gracias senor alcalde!
Étape 3 : Algéciras à Gibraltar
Mettre le cap sur Gibraltar est une expérience qui, pour nous, relève également de l'extraordinaire! Cette enclave britannique en territoire espagnol a bien fait rouler notre imagination, puis la rêverie s'est transformée en réel lorsque nous avons pu avoir un premier aperçu de cet immense caillou fièrement dressé au-dessus de la mer.
Nous avons ainsi fait le tour de la baie de Gibraltar et traversé la Linea de la Concepcion, ville limitrophe à Gibraltar, pour arriver au poste frontalier et entrer dans l'enclave britannique en traversant, à vélo, le tarmac de l'aéroport! Et pouf, nous sommes passés de l'Espagne au Royaume-Uni! Quelques jours de découverte nous attendaient car nous voulions profiter de ce qui serait peut-être notre unique passage en ce lieu curieux pour explorer.
Petites observations familiales en vrac
À Gibraltar, on peut retrouver:
les repères emblématiques du Royaume-Uni comme les boîtes aux lettres et cabines téléphoniques rouges
des macaques sauvages (les seuls singes sauvages d'Europe)
une langue à part, non-officielle mais bien audible, le Llanito que les locaux appellent "Gibraltarian" et qui est un mélange d'anglais, d'espagnol, de maltais et d'hébreu.
un magnifique jardin botanique : la seule visite gratuite, et certainement la plus belle à faire
la seconde plus petite frontière terrestre au monde, elle mesure 1,2 km de long
Étape 4 : Gibraltar à La Duquesa
Cette journée de 36 km allait nous réserver quelques petites surprises en commençant par un fort dénivelé (300 m en + et 290 en -) sur des routes de gravier. Cette combinaison est rarement appréciée par notre convoi car nos roues et la lourdeur de notre chargement ne répondent pas bien à ce type de terrain. Alors si on y ajoute la pluie en plus, c'est le trio d'enfer, celui auquel nous avons eu droit cette journée là! Entre chemins étroits de quelques dizaines de centimètres et ronces qui nous griffaient les jambes, la pluie, les gros cailloux et les montées, les jambes et le moral étaient un peu à plat, mais pas que... À l'issue de cette journée quelque peu éreintante, la monture de Benoît a, elle aussi, montré quelques signes de fatigue : deux rayons cassés à la roue arrière.
Frédérique qui avait commencé sa journée en t-shirt à manches courtes s'est vue augmentée de volume au fur et à mesure de notre progression: de la protection contre le froid à la protection contre la pluie... Le chemin peut parfois sembler bucolique, or ce qu'on perçoit mal c'est l'étroitesse du sentier et surtout par la suite les ronces qui ont bien fait souffrir nos jambes et nos pieds. On a cessé de prendre des photos à un moment, notre concentration était requise pour garder le cap!
Cette étape nous aura un peu fatigués, mais elle nous a permis d'observer un phénomène urbanistique intéressant et qui nous a parfois cassé les pattes, les villes dites "urbanizaciones". Ces villes sont l'équivalent de petites banlieues qui se succèdent sur la côte sans toutefois communiquer directement entre elles par le réseau routier principal. Autrement dit, pour se rendre d'une "urbanizacione" à une autre, il faut passer par l'autoroute... Un petit cauchemar à vélo car les routes internes à ces villes tournoient, donc nous font faire des détours, et l'autoroute, bien qu'autorisée à vélo, et bien ça demeure l'autoroute donc très passant et à grande vitesse. Cette étape aura donc été notre première rencontre avec la Costa del Sol où l'urbanisation galopante a fait son œuvre, mais également avec la population anglaise qui semble y avoir trouvé son comble pour des vacances ou une retraite au soleil!
Étape 5 : La Duquesa à Estepona
La mise à l'épreuve de la veille aura causé du tort non-seulement à la roue arrière du vélo de Benoît, mais également à son pneu et sa chambre à air. Et oui, vous l'aurez bien compris, c'est ici que nous constatons notre première crevaison et non la moindre, et ce une fois les vélos bien chargés! Après trois tentatives de réparation où les chambres à air ont littéralement explosé en faisant un bruit d'enfer, nous décidons de prolonger notre séjour sur place en attendant que la boutique de vélo la plus près, située à moins de 2 km soit ouverte le lendemain. Les deux rayons brisés la veille s'étaient en fait enfoncés dans le pneu et perçaient les nouvelles chambres à air gonflées dès que nous bougions le vélo...
L'étape de La Duquesa à Estepona se transforme ainsi en étape piétonne au long de la plage de La Duquesa à Sabillinas où se trouve la boutique de vélo : nous devons changer d'appartement, avec l'aide de notre hôte, car celui où nous logions n'était disponible qu'une journée. Bilan de la réparation: une nouvelle roue arrière et de nouvelles chambres à air de remplacement pour renflouer notre matériel de rechange, et ce grâce à l'unique boutique à des kilomètres à la ronde et à son unique roue compatible disponible sur place!
La chance nous sourit et nous repartons à la découverte de la côte. Une belle journée et surtout une belle rencontre nous attendent! À notre arrivée, en attendant notre hôte, nous voyons un cycliste aguerri passer à quelques mètres, drapeau portugais volant fièrement derrière son vélo. Nous le hélons en français et en italien pour se rapprocher du portugais et il s'arrête pour venir à notre rencontre. Les quelques instants qui suivront constitueront un souvenir savoureux de notre passage en Espagne.
Nous faisons la connaissance de Carlos, un militaire portugais à la retraite des corps de secourisme en aviation, qui voyage seul à vélo. Son premier réflexe lorsqu'il s'arrête est de nous demander si tout va bien ou si nous avons besoins d'aide. Nous le rassurons et lui manifestons que avons envie de connaître son itinéraire. Nous arrivons à communiquer en français-anglais-espagnol-italien-portugais. Il nous explique qu'il a l'habitude des voyages en vélo solo, qu'un de ses amis camionneurs au long cours le dépose quelque part au Portugal, en Espagne ou en France et que lui revient à vélo. Sa prochaine étape était tout juste avant Gibraltar, histoire de pouvoir bivouaquer comme à son habitude, puis d'aller découvrir le gros caillou le lendemain et d'ensuite remonter dans les montagnes et retourner au Portugal. En somme, en une journée, il fait ce que nous faisons en trois jours, seul et en bivouaquant! Depuis cette rencontre adorable et mémorable, Carlos est rentré chez lui puis reparti pour deux autres voyages solos! La baignade, le souper au bord de la plage et le coucher de soleil de ce soir-là sont de merveilleux souvenirs et moments agréables, or la rencontre avec Carlos est certainement le meilleur de cette journée!
Étape 6 : Estepona à Marbella
D'Estepona à Marbella l'itinéraire que nous avions tracé nous promettait une belle journée à rouler au bord de la mer. Un sentier est aménagé au long du littoral et permet de relier toutes les petites villes entre elles sans aller sur la route ou presque. Dès le départ nous sommes enchantés car nous débouchons rapidement sur un littoral animé où un méga parc attend les filles! Le temps d'essayer tous les modules de jeu une fois, deux fois ou même trois, car admettons-le, ils sont superbes, et nous voici à nouveau en selle!
Rouler au long du littoral, sur l'esplanade, nous permet de découvrir toute l'activité touristique, les chiringuitos et d'avoir un œil constant sur le bleu azur de la Méditerranée. De nouveau une petite surprise nous attend: sur ce chemin tout bien tracé pour rouler, il est interdit de monter à vélo de 11h à 14h puis de 16h à 19h pour ne pas gêner la circulation de très nombreux piétons... En bons soldats, nous respectons la règle en pique-niquant et en marchant aux côtés de nos montures. Inutile de dire que nous rongeons un peu notre frein en attendant 15h. L'heure venue, et non une minute de plus, nous enfourchons nos vélos et filons vers Marbella où une pause de quelques jours nous attend histoire de souffler un peu et d'abattre un peu de travail scolaire!
Étape 7 : Marbella à Fuengirola
Une autre belle journée ensoleillée à pédaler sur la côte et ce que nous en retenons est la beauté de l'arrivée dans cette petite ville au cachet unique sur la Costa del Sol. Fuengirola nous a enchanté par son caractère encore espagnol contrairement à tout ce que nous venions de voir au long de la côte. On y retrouve un bâti ancien et une sensation de vie à l'espagnol où les matins et les soirs sont très animés au resto du coin! Une curiosité que nous remarquons dès notre arrivée: des enseignes de resto écrites en finnois et en suédois, une église finlandaises, du suédois parlé dans les rues... Fuengirola accueille en fait la plus grande diaspora finlandaise au monde! Une communauté qui a jeté son dévolu sur cette petite ville depuis les années 1975' avec l'essor du tourisme balnéaire qui fait suite à la mort de Franco. Alors que nous nous sentions finalement en Espagne depuis Tarifa, nous sommes ébahis de nous retrouver parmi de grands blonds aux plaques d'immatriculation finlandaises!
Étape 8 : Fuengirola à Malagà
Rouler de Fuengirola à Malagà constituera notre dernière étape d'avancée à vélo en Espagne. Et oui, après ces huit étapes, nous en sommes à un peu plus de 200 km de pédalage et 3182 mètres de dénivelé positif, ce qui nous pousse à réévaluer notre itinéraire pour arriver dans les temps, mais également arriver sereinement. Dans un article précédent, nous vous parlions de la capacité à faire preuve de flexibilité pour réévaluer et prendre en considération tous les paramètres pour nous assurer de répondre adéquatement à tous nos objectifs, et bien c'est ici que nous avons dû mettre cette capacité à l'épreuve au bénéfice de toute la famille! Mais ça, on vous en reparle dans un article spécial qui porte sur le tronçon Malaga - Valence- Barcelone- Baléares! Pour le moment, ce qui nous intéresse est l'étape qui nous a menée à Malaga!
La route de Fuengirola à Malagà peut être qualifiée de facile et là aussi nous avons pris plaisir à voir le paysage changer sous nos yeux: nous sommes passés du monde balnéaire à une grande ville (près de 600 000 habitants). Une petite douche nous a bien rincés avant d'arriver, mais rien pour nous décourager!
Malagà se révèle être inspirante et amusante à découvrir! Histoire, art et culture sont au rendez-vous. Nous aurions souhaité partir à la découverte de l'univers de Picasso, mais la longueur de la file d'attente nous a convaincu d'utiliser notre temps pour découvrir la ville plutôt que d'attendre de longues heures au chaud soleil! La beauté de Malagà nous a séduit et donné envie d'y revenir un jour! Notre épopée à vélo en Espagne s'est donc terminée ici pour le moment.
Pour lire la suite du parcours en Espagne et le fruit des rencontres professionnelles et scientifiques, rendez-vous dans l'article l'Espagne des rencontres!